Communiqué
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L’OIM demande une enquête internationale sur les décès lors des naufrages en Méditerranée

Italy - Vendredi (8 mai), l’OIM a appelé à mener une « enquête internationale » sur les récents naufrages dans la Méditerranée après la découverte, jeudi, d’une épave qui renfermerait les dépouilles de centaines de victimes qui se sont noyées le mois dernier.

Les autorités italiennes ont signalé, hier soir, qu’un robot a sondé un bateau accidenté découvert à une profondeur de 375 mètres, à quelque 85 miles marins au nord-est de la côte libyenne. Les autorités pensent qu’il s’agit de la même embarcation naufragée le 18 avril avec 800 passagers à son bord, d’après 28 rescapés qui ont ensuite été évacués vers l’Italie.

La coque de l’épave de 25 mètres de long aurait subi des dégâts provoqués par un navire plus gros, probablement participant aux premiers secours, d’après les images sonar de haute résolution prises par le robot. D’après certaines informations non confirmées, au moins un corps aurait été découvert pendant l’exploration et d’autres seraient visibles à l’intérieur de l’épave.

« Cette information confirme nos pires craintes sur le comportement sans pitié des passeurs. S’il s’avère que des centaines de migrants tentant d’atteindre l’Europe ont été piégés sous le pont, à bord d’un bateau hors d’état de naviguer, il ne peut s’agir que d’un assassinat qui nécessite une enquête internationale », a déclaré William Lacy Swing, Directeur général de l’OIM.

Dans le même temps, l’OIM salue les efforts actuellement déployés par le Ministère public italien pour poursuivre les auteurs de cet acte et d’autres crimes contre les migrants devant la justice.

La découverte, jeudi, de ce qui pourrait être le pire cas de trafic illicite d’êtres humains jamais enregistré dans les eaux de la Méditerranée, a lieu au moment où de nouvelles statistiques confirment que 2015 s’avère être une année encore plus meurtrière que 2014, alors que près de 3 300 migrants ont péri en tentant d’atteindre l’Europe par la mer.

D’après les données fournies par le Ministère italien de l’intérieur, le nombre d’arrivées en mer pour les mois de janvier à avril 2015 s’élevait à 26 228, une tendance similaire aux arrivées pour la même période en 2014, au cours de laquelle 26 644 migrants avaient été enregistrés.

En mai 2015, l’OIM estime le nombre d’arrivées à environ 8 270, portant le nombre total d’arrivées de migrants au 7 mai à environ 34 570.

Ce qui est frappant concernant les dernières données recueillies par l’OIM est le nombre croissant de pertes humaines. Alors que l’année dernière, 96 migrants ont péri dans la Méditerranée pour la période allant de janvier à avril, le bilan de cette année est estimé à 1 770 décès au 30 avril.

L’OIM estime que le nombre total de décès de migrants lors des traversées de la mer Méditerranée s’élève à 1 829 contre 207 au 7 mai 2014.

Cette année, le mode opératoire des passeurs semble également avoir changé : les migrants arrivent aujourd’hui en plus grand nombre en un temps considérablement plus court.

Les principaux pays d’origine de cette année sont l’Erythrée (5 388), la Somalie (3 717), le Nigéria (2 789), la Gambie (2 099) et la Syrie (2 091).

La dernière tragédie s’est produite entre le dimanche 3 et le lundi 4 mai, lorsqu’un groupe de 137 migrants est parti de Libye à bord d’un bateau surchargé qui est tombé en panne après 24 heures. Quelque 46 migrants se seraient noyés lors du naufrage qui a suivi. Les 91 rescapés ont été secourus dans les eaux internationales par le Zeran, un navire commercial maltais. Ils ont été amenés à Catane, en Sicile, mardi 5 mai.

L’équipe de l’OIM en Italie observe la tendance continue de femmes originaires d’Afrique, en particulier du Nigéria, qui sont victimes de traite dans l’industrie du sexe.

« Pendant les quatre premiers mois de 2015, nous avons également enregistré une hausse du nombre de femmes nigérianes, trois fois plus qu’au cours de la même période l’année dernière. Il existe des inquiétudes fondées selon lesquelles bon nombre d’entre elles seraient victimes de traite », a déclaré Federico Soda, Directeur du Bureau de coordination de l’OIM pour la Méditerranée à Rome.

Pour lutter contre la traite, en 2014, dans le cadre du projet Praesidium du gouvernement italien financé par l’UE, l’OIM en Italie a établi deux équipes spéciales de lutte contre la traite en Sicile et dans les Pouilles, afin d’identifier les cas vulnérables et de fournir une aide aux femmes qui seraient victimes de traite.

« Nous avons hâte de savoir ce que l’Union européenne proposera la semaine prochaine pour en finir avec ces terribles tragédies qui se produisent dans la Méditerranée à un rythme inquiétant », a déclaré M. Soda. « Nous sommes convaincus que l’approche humanitaire sera indéniablement au cœur de la réponse de l’UE et de la communauté internationale. Aucune autre vie ne doit être sacrifiée en mer. »

Frank Laczko, responsable de la Division de l’OIM pour la recherche migratoire et directeur de son projet d’ « aide aux familles de migrants disparus », a observé l’impact dévastateur sur les familles restées au pays. Ces familles vivent souvent une double tragédie, celle de la perte d’un proche et celle de vivre dans l’incertitude pendant des semaines et des mois, sans pouvoir obtenir d’informations sur les circonstances du décès.

« Les membres des familles qui recherchent désespérément des informations feraient même appel aux services de passeurs pour atteindre la zone où le décès pourrait s’être produit », a déclaré M. Laczko depuis le siège de l’OIM à Genève.

« Les familles ont un droit, conformément au droit humanitaire international, de connaître le sort de leur proche disparu et de savoir où leur dépouille est enterrée », a expliqué M. Laczko. « Ne pas savoir ce qui est arrivé à un proche signifie qu’aucunes funérailles ou cérémonies de deuil ne peuvent avoir lieu ; les questions juridiques concernant l’héritage et la propriété foncière restent non résolues et le conjoint ne peut pas se remarier. »

Des protocoles internationaux ont été créés pour enregistrer les décès lors de catastrophes humanitaires, en identifiant les dépouilles et en localisant leurs proches. Ces protocoles doivent également être appliqués aux migrants disparus, a conclu M. Laczko.

Pour plus d’informations, veuillez contacter Flavio Di Giacomo, OIM Italie, Tel: +39 347 089 8996, Email: fdigiacomo@iom.int ou Frank Laczko, siège, Tel: +41 22 717 9416, Email: flaczko@iom.int