Migrant Stories

Informer la population à travers des mobilisateurs communautaires

La demi-douzaine de stations de radio que le séisme n'avait
pas réduite au silence avait rendu un énorme service
à la population haïtienne en désarroi, au
lendemain du 12 janvier. Avant que les autorités n'aient pu
commencer à coordonner leurs actions, autant dire bien avant
l'intervention des organisations humanitaires, la radio demeurait
le seul moyen de communication, à la fois communautaire et
humanitaire, dont disposait le million et demi de nouveaux
sans-abris.

Il s'agissait de lancer des appels à l'aide, de
s'enquérir des nouvelles d'un proche, de partager son
expérience du tremblement de terre. La presse parlée
était, pour une fois, plus sociale que politique et allait
le rester des semaines après le séisme.
L'organisation non gouvernementale Internews avait renforcé
cette orientation avec ses modules d'informations utiles («
Enfòmasyon nou dwe konnen ») diffusées
quotidiennement en créole sur plusieurs stations de radio du
pays.

Six mois après le 12 janvier, les réponses et
interventions de l'Etat et des organisations non gouvernementales
(ONG) sont beaucoup mieux coordonnées. À travers les
deux départements fortement touchés par le
tremblement de terre du 12 janvier, la majorité des
personnes affectées vivent dans plus d'un millier de
camps.

Actuellement, une  bonne partie des sinistrés
déclare vouloir intégrer des programmes de travail
contre rémunération («  cash for work
»). En termes d'aide, certains affirment n'avoir rien
reçu depuis plusieurs semaines déjà. Par
conséquent, d'autres entendent se mobiliser contre les
autorités qui, selon des rumeurs, voudraient les expulser
des terrains qu'ils occupent depuis le mois de janvier. À
cause des nombreux besoins non encore satisfaits, chaque visite
d'humanitaires fait penser à une distribution de
nourriture.

Dans l'intention de prévenir de tels malentendus et de
potentiels risques de dérapages dus au manque d'information
fiable, un autre type de communication de proximité a
été mis en œuvre, en tenant compte des urgences
et de l'évolution des priorités. Le rôle de
cette nouvelle approche communicationnelle est crucial à
plusieurs niveaux, selon diverses organisations humanitaires
œuvrant sur le terrain. Cette forme de communication s'est
donc avérée nécessaire entre la
communauté humanitaire et les sinistrés.

Pour informer et se rapprocher des
gens

« Maintenant, il s'agit de se rapprocher des gens qui ne
comprennent pas toujours les actions des ONG, ni celles de l'Etat
», précise Pascale Verly du département de
communication de l'OIM, responsable de la section des community
mobilizers (mobilisateurs communautaires).

« Quand on distribue des coupons aux gens, ils pensent
souvent qu'on va leur donner de la nourriture », rapporte
Stéphanie Daviot, agent d'enregistrement de l'OIM. A la
Vallée de Bourdon, par exemple, des centaines de
sinistrés s'étaient rués sur des agents venus
réaliser une opération d'enregistrement. Cette
attitude prouve en effet qu'une véritable confusion
règne dans l'esprit de la population sur le rôle et
les actions des différents acteurs intervenant dans les
camps. Le travail des mobilisateurs communautaires consistent
justement à dissiper cette confusion, en engageant un
dialogue avec les uns et les autres.

Soutenu financièrement par le gouvernement japonais et le
Fonds de réponse humanitaire aux situations d'urgence (ERRF)
pour Haïti, le département de communication de l'OIM en
Haïti accompagne le gouvernement en l'aidant à
transmettre ses messages auprès des populations
déplacées. En effet, certaines communications du
gouvernement atteignent effectivement les sinistrés
grâce aux mobilisateurs communautaires. Ces derniers ont pour
rôle essentiel d'informer et de sensibiliser les personnes
affectées.

Caractéristiques des mobilisateurs
communautaires

Les mobilisateurs sont recrutés en fonction de leur
capacité à engager un dialogue avec les
communautés et à travailler sous pression et en
fonction de leurs aptitudes à maintenir de bonnes relations
avec différentes catégories de populations. Ces
aptitudes de base sont complétées par des heures de
formation.

Les mobilisateurs communautaires accompagnent les autres
équipes de l'OIM tout le long de leur travail. « Les
autres départements de l'OIM sont comme des clients à
qui nous fournissons un service de communication consistant
à faciliter leurs propres travaux de terrain»,
déclare Elisabeth Labranche, 25 ans, avec philosophie, comme
l'exige son activité de mobilisatrice.

« En amont comme en aval, l'équipe de communication
occupe une place fondamentale dans le processus
d'enregistrement», justifie Stéphanie Daviot, agent
d'enregistrement de l'OIM. Son équipe a pour principale
tâche de collecter des informations précises sur les
familles vivant dans les camps, même si celles-ci ne
comprennent pas toujours les raisons et les implications de ces
opérations d'enregistrement.

C'est pourquoi une tournée de sensibilisation et
d'information, orchestrée par des mobilisateurs qui doivent
avoir un bon rapport avec la population, s'avère toujours
nécessaire avant l'intervention proprement dite de
l'équipe d'enregistrement. Les mobilisateurs continuent
d'informer les gens pendant tout le processus d'enregistrement des
familles. A la fin du processus, les personnes recensées
veulent toujours savoir les dispositions qui seront prises à
partir des informations recueillies.

Parfois, les mobilisateurs doivent aussi dissiper les
appréhensions des responsables de camps. « Plusieurs
ONG ont déjà fait des recensements ici », se
plaint Gerson Edée, responsable du centre sportif de
Carrefour qui héberge plus de 780 familles. Avant d'apporter
des précisions sur l'importance du recensement, Edée
craignait qu'il ne s'agisse que d'un enregistrement de plus et
qu'on laisserait sans suite une nouvelle fois.

L'équipe de communication de l'OIM utilise aussi des
moyens ludiques pour faire passer les messages. Kenny Mix, un Disc
Jockey connu des Haïtiens fait le tour des camps avant
l'entrée en scène des mobilisateurs, qui sont
également munis de feuillets comprenant du texte et des
illustrations visant à décrire les différentes
étapes de l'enregistrement.

« On privilégie la communication orale et visuelle
», explique Pascale Verly.

Les mobilisateurs de l'OIM avaient par ailleurs apaisé
les craintes de la population de la Vallée de Bourdon que le
gouvernement comptait déplacer vers un camp plus sûr.
Alors que la relocalisation constitue en fait l'une des cinq
options proposées aux sinistrés, ces derniers
hésitent à se déplacer loin de leurs lieux
d'origine, de leur mode de vie, voire de leurs biens.

Pour calmer les inquiétudes et rassurer les uns et les
autres, l'OIM encourage la formation de comités pour
accueillir les relogés. Les membres de ces comités
sont là pour expliquer le fonctionnement des nouveaux
centres d'accueil afin de dissiper les nombreuses
appréhensions des déplacés. Plus de 7 300
personnes ont accepté de se déplacer depuis le
début du processus de relogement.

La communication se fait aussi dans le sens inverse,
c'est-à-dire depuis les sinistrés vers la
communauté humanitaire, via l'OIM. Les habitants des camps
profitent aussi de la présence des mobilisateurs
communautaires pour faire parvenir leurs messages aux
différentes organisations.

« Les informations recueillies lors de nos campagnes
d'enregistrement permettent de constituer une base de
données qui servira dans le processus de reconstruction du
pays », pense Pierrot Rugaba, l'un des responsables de la
section d'enregistrement de l'OIM.

Pour lui, « c'est le début d'un processus
communicationnel qui favorisera la reconstruction du pays, un
processus qui prend en compte les besoins essentiels des
Haïtiens ».