Migrant Stories

Italie-Maroc : une mosaïque de talents

En dépit du brouhaha constant de l’antique et
encombrée Via Nomentana, il règne une
atmosphère calme et studieuse sur le campus de
l’Université de Malte à Rome.



Dans deux salles hautes de plafond, près de 40
expatriés marocains et entrepreneurs en herbe exposent leur
plan de développement à Simonetta Bormioli,
sociologue et chercheur pour le CERFE, une association à but
non-lucratif qui travaille avec l’OIM pour proposer des
formations appropriées aux migrants en vue de leur permettre
d’investir avec succès dans leur pays d’origine.




« Notre première tâche est
d’écouter et d’identifier les obstacles qui
pourraient compromettre leurs plans de développement »
explique Simonetta Bormioli. « Il est primordial de
définir leurs besoins en termes de formation et
d’établir un niveau d’attente réaliste
pour toutes les personnes concernées. Par la suite, notre
programme fournira aux migrants un bagage technique
approprié, les contacts et les compétences requises
afin de leur permettre de faire une étude de
faisabilité détaillée dans le cadre de leur
plan de développement. »



Les participants, sélectionnés sur la base de leur
dossier de candidature exposent leurs objectifs
d’investissement au Maroc et tous sont heureux de partager
leurs espoirs pour l’avenir.



Ayant acquis une solide expérience de médiateur
social en Italie, où il vit et travaille depuis plus de 20
ans, Malayo Abderrazak a décidé de se lancer dans un
projet d’intermédiation financière.



« L’objectif est de capitaliser sur
l’expérience acquise au fils des ans en tant que
médiateur social pour mettre en place une structure qui
permettra de mobiliser des fonds issus d’entreprises
italiennes et de communautés de migrants pour les investir
dans de jeunes entreprises marocaines prometteuses mais souvent en
manque de liquidités » explique Malayo Abderrazak.
« Les entreprises qui soutiennent ce projet ou qui en
bénéficient s’engagent également
à employer, former et soutenir des jeunes professionnels au
Maroc et en Italie pour les aider, à leur tour, à
élaborer des plans de développement viables en vue de
créer leur propre entreprise. »



Malayo Abderrazak, qui dirige ATLAS, une ONG dynamique pour les
Marocains résidant en Italie, pense que des
mécanismes de jumelage entre des ONG et de petites
entreprises des deux côtés de la
Méditerranée permettraient de promouvoir un
développement durable et de réduire l’envie
qu’ont des milliers de jeunes marocains
d’émigrer à n’importe quel prix.



« Mon travail de médiateur social m’a
amené jusque dans les prisons italiennes où
j’ai pu aider des compatriotes qui ont violé les lois
italiennes. Cette expérience m’a permis de prendre
conscience du nombre de tragédies humaines et
d’opportunités économiques gâchées
à cause des migrations clandestines. »



Malayo Abderrazak se considère comme un véritable
trans-national qui entend utiliser son expériences pour
encourager une plus grande mobilité des personnes, des
compétences et des capitaux.



« La communauté marocaine installée en Italie
est prête à investir au Maroc, mais de nombreux
expatriés qui ont des projets de création
d’entreprise ne savent pas comment les mener à bien.
Cette formation est par ailleurs essentielle car elle nous
permettra de confronter nos rêves aux dures
réalités du monde des affaires. »



Fatima Chegri souhaite quant à elle élaborer un plan
de développement avec le soutien actif d’une partie de
sa famille vivant et travaillant en Italie et au Maroc.



« J’ai deux frères qui travaillent comme
techniciens dans une usine de chromage à Venise et un
frère qui est comptable à Rabat » explique
Fatima Chegri, qui ajoute que sa famille est prête à
mobiliser une partie des capitaux nécessaires à cette
entreprise familiale. « Ces 20 dernières
années, nous avons acheté des terrains dans la
station balnéaire de Temara et ses alentours, que nous
pourrions revendre pour investir dans ce projet. »



Fatima Chegri explique que ses frères ont déjà
fait une étude de faisabilité limitée à
la région de Rabat et ont identifié ce qu’ils
pensent être une niche de marché. Mais sa famille a
également réalisé qu’elle ne serait pas
en mesure de créer cette entreprise sans un véritable
accompagnement.



« Idéalement, nous aimerions créer cette
entreprise avec le soutien technique et logistique de cette
entreprise vénitienne » explique Fatima Chegri.
« Une sorte de partenariat nous permettrait certainement de
nous lancer pour que notre entreprise soit viable à court et
moyen terme. »



Fatima Chegri, qui travaille à plein temps pour ARCI, une
ONG qui fournit un soutien aux réfugiés et aux
migrants, explique qu’elle ne connaît que trop bien les
conséquences de l’exil.



« Les Marocains expatriés ont une
responsabilité collective d’investir au Maroc pour
proposer à nos frères et sœurs restés au
pays des alternatives économiques viables » ajoute
Fatima, qui pense que cette formation et le soutien de sa famille
représentent ses meilleures chances de succès.



Bouhrim Said participe également à cette formation.
Ce dernier a travaillé la plus grande partie de sa vie dans
l’industrie textile au Maroc. L’an dernier, sa femme,
fonctionnaire pour les services consulaires marocains, a
été nommée à Rome, la capitale de la
mode aux yeux de Saïd.



« J’ai pris un congé auprès de mon
employeur marocain pour élaborer un plan de
développement qui me permettrait de mettre à profit
mes connaissances et mes contacts dans l’industrie textile
pour aider les jeunes designers marocains et italiens à
créer de nouvelles marques » explique-t-il.



Bouhrim Said est persuadé que l’avenir des jeunes
designers dépend de produits finis de bonne qualité
produits en petites quantités. Il explique qu’il veut
travailler avec des designers et des fabricants de textile en
Italie et au Maroc pour positionner l’héritage
culturel unique de son pays comme l’un des thèmes
essentiels de l’industrie de la mode européenne.



« La mode peut être un fabuleux médiateur
inter-culturel » explique Said, qui pense que son projet peut
également permettre de promouvoir de nouvelles synergies
culturelles entre jeunes italiens et marocains.



Ugo Melchionda, qui s’occupe du programme MigResources de
l’OIM, est parfaitement conscient des nombreux pièges
qu’ils rencontreront pour créer leur entreprise.
« Les migrants ne deviendront de véritables agents du
développement que si nous leurs permettons
d’acquérir les compétences nécessaires
en matière de gestion et s’ils
bénéficient de véritables réseaux de
soutien parmi les associations de migrants, les administrations
publiques et le secteur privé. »



Dans le cadre de ce programme, une formation du même type a
été organisée à Casablanca pour 30
Marocains qualifiés souhaitant acquérir de nouvelles
compétences grâce à des formations
professionnelles dans des entreprises italiennes. Cette formation,
organisée en partenariat avec le Centre d’Etudes et de
Recherches Démographiques de Rabat, propose des conseils
pratiques en vue d’accéder au marché du travail
italien en vue d’acquérir de nouvelles
compétences.



« Il est possible de favoriser les migrations circulaires
grâce à des partenariats faisant la promotion de la
mobilité au travers de formations professionnelles ou de
services de placement professionnel » explique Ugo
Melchionda. « Ce programme représente un premier pas
pour démontrer que ces migrations permettent de promouvoir
les transferts de compétences, les investissement et, en fin
de compte, la croissance économique de tous les pays
concernés. »