Migrant Stories

Petites victoires en Iraq : Nawal et Mirna

« J’essaie de faire en sorte que les femmes se sentent aussi belles à l’extérieur qu’à l’intérieur. Nous traversons une période difficile ici en Iraq, et avec mon salon de beauté, j’essaie d’apporter de la normalité à ma communauté et aux gens autour de moi. Je veux que mes clientes puissent se regarder dans le miroir, voir leur nouvelle coupe de cheveux et sourire. Si j’arrive à faire ça, je sais que ma journée a eu un but. »

Nawal Solaka est copropriétaire du salon de beauté « Kristina »  situé dans la ville de Mandania, à la périphérie de Mosul, en Iraq. Lorsque nous nous sommes rendus dans son salon, elle semblait contente, mais très occupée. La salle d’attente était remplie de femmes qui attendaient leur tour pour une coupe de cheveux, une séance d’épilation ou de pose de vernis. Tout en coupant les cheveux d’une de ses clientes, elle nous a expliqué que même si elle gagnait bien sa vie aujourd’hui, son aventure a été longue et semée d’embuches.

« Nous habitions à Bagdad », nous a-t-elle raconté. « Mais en tant que minorité, nous vivions dans la peur. Notre famille est chrétienne et mon beau-frère tenait une boutique de vins et spiritueux. Nous craignions constamment de voir des gangs armés pénétrer dans la maison. Chaque bruit nous réveillait. Pendant des mois, je ne pense pas avoir dormi plus de 2 heures par nuit. »

La peur de Nawal est devenue réalité en avril 2006, lorsque son beau-frère a été tué lors d’une attaque terroriste. C’est à ce moment là que Nawal a décidé de quitter Bagdad. Accompagnée de sa nièce Mirna, de sa sœur veuve Romaya et de ses vieux parents Ziad et Hasna, Nawal a trouvé refuge chez des proches dans la petite ville de Hamdania. « Si la sécurité de ma famille n’avait pas été en cause, je ne serais pas partie », a déclaré Nawal. « Mais j’ai dû le faire pour ma nièce. C’est l’une des choses les plus difficiles que j’ai eu à faire. Mon commerce était là-bas, ma vie était là-bas. Du jour au lendemain, j’ai tout abandonné. »

Lorsqu’ils sont arrivés à Hamdania, Nawal, Mirna, Romaya, Ziad et Hasna ont reçu l’aide de leur famille. « Nos cousins ont été tellement généreux, ils ont partagé avec nous leurs maigres ressources. Mon frère, qui vit à l’étranger, nous a aussi aidé comme il pouvait, mais je n’avais jamais vécu de la charité d’autrui avant cela. J’étais très déprimé et je ne savais pas comment remettre de l’ordre dans ma vie. » Un problème en a effacé un autre lorsqu’en 2008, un cancer du sein a été diagnostiqué chez Nawal. « Je suis sûre que c’est le stress qui a été à l’origine de ma maladie », a-t-elle expliqué. « D’abord, les insomnies à Bagdad, puis le déplacement forcé. Sans logement et sans travail, j’étais malheureuse. Mon corps et mon esprit ne pouvaient plus supporter la situation. »

Pendant la même période, Nawal a appris que sa nièce Mirna avait été blessée lors d’une fusillade. Mirna se rendait à l’école à Mosul lorsqu’un terroriste a ouvert le feu sur le bus scolaire. « Quand j’ai appris que Mirna avait été blessée, j’ai trouvé la force de me battre », s’est souvenue Nawal. « J’ai compris que je devais survivre pour prendre soin de ma nièce. »

Mirna est allée en Turquie pour être soignée et Nawal s’est rendue en Syrie pour faire une chimiothérapie. A Damas, Nawal a passé tout son temps libre à offrir ses services dans un salon de coiffure local. « J’adorais le travail », a-t-elle raconté. « Et j’aimais ma nièce. Ce sont ces deux choses qui m’ont permis de gagner la bataille contre le cancer du sein. »

Après deux ans d’aller-retour à l’hôpital, Nawal est retourné en Iraq. Mirna s’est complètement remise de ses blessures et la famille a pu être réunie fin 2010.

En 2011, Nawal et Mirna ont eu connaissance du Programme de l’OIM pour la sécurité humaine et la stabilisation, qui octroie des subventions, propose des formations, des opportunités de placement, des services de création d’entreprise et d’autres projets de production de moyens d’existence aux personnes vulnérables en Iraq. Nawal et Mirna ont chacune déposé une candidature dans le cadre du programme et ont vite reçu des outils pour monter leurs propres entreprises. Elles ont décidé de mettre en commun leurs deux subventions et ont ouvert un salon de beauté spacieux dans la ville de Hamdania. L’OIM leur a fourni tous les équipements, entre autres des générateurs d’électricité, des fauteuils, des miroirs et des sèche-cheveux professionnels.

« L’OIM a été d’une grande aide et d’un grand soutien. J’ai même eu l’occasion de participer à une formation à la gestion d’entreprise proposée par l’OIM dans le cadre du projet de Services à la création d’entreprise. Ils m’ont enseigné les bases de la gestion d’entreprise, des finances et de la comptabilité. Ils nous ont donné plus que des équipements. Ils ont été vraiment attentifs. »

Dans l’année qui a suivi sa création, le salon de beauté « Kristina » est devenu le plus populaire de toute la région. « Notre cahier de rendez-vous est rempli aujourd’hui », nous a déclaré Nawal. « En plus, j’attends un groupe de dix femmes qui viennent de Mosul. Nous allons faire toutes leurs coiffures et leur maquillage pour un mariage. Dans des jours comme ça, ma sœur nous aide et nous embauchons d’autres personnes. » Grâce à leur salon de beauté, Nawal et Mirna gagnent non seulement bien leur vie mais elle peuvent aussi subvenir aux besoins de toute leur famille.

« Pour moi, ce salon n’est pas juste une manière de faire de l’argent. C’est bien plus que ça. C’est un refuge à l’abri du monde extérieur, de la folie qui nous entoure. Une femme peut entrer dans ma boutique sans avoir à s’inquiéter de la violence, des affrontements, de la guerre. Au contraire, pendant deux ou trois heures, elle n’a qu’à s’occuper d’elle-même et nous l’aidons à fuir la réalité qui nous entoure, au moins pendant un temps. » Au moment où elle nous disait cela, ses clientes du mariage sont arrivées et nous n’avions plus d’endroit où nous asseoir dans le salon.

Alors que nous rangions nos affaires pour partir, Nawal s’est exprimée : « Merci l’OIM », a-t-elle dit. « Vous m’avez vraiment aidée quand j’en avais besoin. Parfois, une petite aide peut faire toute la différence et peut changer une vie. »