Communiqué
Global

Des milliers d’Iraquiens déplacés vivent avec le poids psychologique du conflit

Mosul – Tandis que l’impact psychologique de leurs expériences de ces trois dernières années fait son apparition, les enfants sont particulièrement marqués par la violence de la vie sous le contrôle de Daech. Ils ont besoin d’un soutien psychologique à long terme.

L’OIM propose un soutien aux déplacés internes depuis novembre 2016, quasiment depuis le début de la crise à Mossoul, fournissant des services psychosociaux intégrés à 24 399 Iraquiens déplacés à l’intérieur du pays. Les activités de l’OIM vont de la thérapie individuelle au jeu de groupe. Le soutien émotionnel a lieu sous forme d’activités sportives, de débats de groupe et de consultations spécialisées.

Avec le soutien du Bureau américain d’aide en cas de catastrophe à l’étranger (OFDA) et du gouvernement du Canada, le programme de santé mentale et de soutien psychosocial (MHPSS) de l’OIM compte désormais sept centres prenant en charge les déplacés de Mossoul et ses alentours : les sites d’urgence de la piste d’atterrissage de Qayara et d’Haj Ali et les camps d’Hasansham U3, de Nergizilya et de Chamakor.

Le MHPSS de l’OIM a débuté en Iraq en octobre 2014, lorsque l’Organisation a établi pour la première fois son Centre psychosocial et récréatif à Arbil. Elle a ensuite construit cinq centres dans les camps de déplacés à Dohuk et a déployé quatre équipes mobiles dans les gouvernorats de Bagdad, Karbala, Najaf et Babylone. Ces équipes fournissent des services dans les camps de déplacés et les communautés d’accueil.

Durant ses quelque trois années d’opérations, le MHPSS de l’OIM en Iraq a aidé plus de 50 000 bénéficiaires et déployé environ 150 000 activités de soutien psychosocial. En fait, un bénéficiaire peut participer à trois sortes d’activités différentes comme la thérapie individuelle, un cours de langue et un atelier d’art et d’artisanat, sur une période allant jusqu’à 12 mois. 

Il y a quelques mois, Yunis est arrivé au centre du MHPSS de l’OIM sur le site d’urgence d’Haj Ali. Il était à un tournant de sa vie : il avait l’impression que son univers s’écroulait et que son mariage était sur le point de se briser. Il avait non seulement déjà été déplacé deux fois avant d’arriver sur le site d’urgence de l’OIM mais avait également perdu tous ses biens. Sa maison a été détruite peu après la prise de la ville par Daech en 2014 et son petit magasin de jus pressés, seule source de revenu de la famille, a fait banqueroute.

Incapable de produire du lait en raison du stress, la femme de Yunis, Umm Imbrahim, ne pouvait pas allaiter son bébé, Doha. Sans aucun revenu, Yunis n’avait pas les moyens d’acheter du lait maternisé pour nourrir le nourrisson.

En dernier recours, il a emprunté de l’argent et a acheté une vache, pensant qu’elle produirait du lait frais essentiel pour la petite Doha. Mais le lait n’était pas pasteurisé et Doha est vite tombée très malade, souffrant de diarrhée et de déshydratation.

En désespoir de cause, lui et sa femme ont demandé de l’aide dans un hôpital dirigé par Daech. Mais d’après les dires de Yunis, ils ont refusé d’aider le bébé. Le bébé dans les bras, Yunis a imploré plusieurs pharmacies de lui faire une perfusion pour réhydrater son bébé.

Yunis portait son bébé dans ses bras en priant. « Je l’ai sentie mourir dans mes bras », a-t-il déclaré. « Ses yeux sont devenus blancs, son âme l’a quittée, elle a cessé de respirer et son petit bras s’est effondré sur le côté. »

C’est là qu’a commencé la dépression de Yunis. Il se sentait inutile, comme s’il avait manqué à ses obligations familiales, et il était rongé par la culpabilité de la mort de son nourrisson de quatre mois.

Lorsqu’il est enfin arrivé au site d’urgence d’Haj Ali à Qayara, le poids des événements l’a rattrapé et pendant trois jours, il est resté assis, en pleurs, hurlant de douleur dans la tente, incapable de dormir. Puis, un matin, il s’est rendu au centre médical pour chercher des médicaments. Il a immédiatement été renvoyé vers le centre du MHPSS de l’OIM et a été pris en charge par un membre du personnel psychosocial.

Ce père iraquien de quatre enfants, originaire de Tal-Afar, a confié aux travailleurs sociaux qu’il avait des idées suicidaires. Des séances de thérapie et un soutien psychosocial intégrés ont été dispensés à Yunis. Il a aussi été embauché comme ouvrier dans le camp et a commencé à gagner de l’argent.

« Je me suis senti mieux… L’OIM m’a aidé, ils m’ont fait retrouver la confiance et l’estime de moi et m’ont laissé du temps pour guérir en m’apportant le soutien nécessaire », a-t-il déclaré.

« Je fais maintenant des choses avec mes enfants, je ne suis plus en colère contre eux… nous jouons, rions et plaisantons ensemble », a-t-il poursuivi.

Pour Yunis, beaucoup de choses ont changé depuis sa première visite au Centre du MHPSS sur le site d’urgence d’Haj Ali. Aujourd’hui, il vend des bonbons dans le camp, ce qui l’aide à subvenir aux besoins de sa famille.

Depuis la reprise de Mossoul par les forces iraquiennes, Yunis est plus confiant que Tal-Afar suivra l’exemple et qu’il pourra enfin retourner chez lui où il rêve de rouvrir son magasin de jus pressés et de reconstruire sa maison.

La mort de Doha n’est plus une source de culpabilité mais sa femme et lui disent ressentir sa présence, « comme un ange qui vole parmi nous ».

 

Le personnel de l’OIM dans les centres du MHPSS remarque que bon nombre de déplacés internes recherchant de l’aide montrent des symptômes de stress aigu comme l’hyper-vigilance, l’anxiété, la dépression, la colère, la perte de mémoire, des symptômes psychosomatiques et un manque d’appétit.

Parmi les nombreux enfants avec qui l’OIM travaille, ceux de Mossoul ont tendance à montrer des symptômes de régression, caractérisée par l’énurésie nocturne, l’anxiété sévère, l’apathie et une rapidité à se mettre en colère ou à pleurer.

Dans les cas comme celui de Yunis, l’OIM se concentre sur des mesures d’endiguement et de prévention pour aider les déplacés internes à éprouver un sentiment de sécurité et de normalité. Le but est de permettre aux personnes de se voir comme des survivants plutôt que comme des victimes, facilitant ainsi l’acceptation des nouvelles conditions, et d’activer des stratégies de résilience pour faire face aux défis passés, présents et futurs.

« Les services psychosociaux sont un aspect essentiel de l’aide aux Iraquiens déplacés, qui ont été témoins d’horreurs inimaginables et connu une douleur indicible. Maintenant que Mossoul est reprise et que de nombreux déplacés internes sont en sécurité, le processus de guérison ne peut se faire qu’en les aidant à faire leur deuil et en leur permettant de prendre des mesures pour se remettre », a déclaré Thomas Lothar Weiss, chef de mission de l’OIM en Iraq.

Et d’ajouter : « les services du MHPSS de l’OIM ont aidé des milliers d’Iraquiens touchés par le conflit actuel dans le processus de guérison. C’est pourquoi l’OIM continue de fournir ces services vitaux dans les efforts de stabilisation immédiats à Mossoul, car nous considérons que le bien-être mental est un élément essentiel du processus de consolidation de la paix. »

L’OIM en Iraq dirige l’équipe de travail du sous-groupe du MHPSS à Mossoul depuis sa création en novembre 2016, garantissant la coordination entre les divers organismes humanitaires et acteurs institutionnels dans le gouvernorat de Ninive.

Pour plus d’informations, veuillez contacter l’OIM en Iraq, Hala Jaber, Tel : +964 751 740 1654, Email : hjaberbent@iom.int; Sandra Black, Tel : +964 751 234 2550, Email : sblack@iom.int.