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Deuxième Séminaire des îles Baléares sur l'immigration et le co-développement

Mme Rosa Estarás, Vice Présidente du Gouvernement des
Baléares, Mme Encarnación Pastor, Conseillère
pour l’immigration et la coopération, Mme Magdalena
Contestí, Directeur général pour la
coopération

Mesdames et Messieurs,

Je suis ravie de me trouver ici avec vous ce matin sur la
magnifique île de Palma de Majorque, et c’est avec
grand plaisir que je prends la parole à votre
deuxième Séminaire sur l’immigration et le
co-développement. Le thème de votre séminaire
me tient particulièrement à cœur, étant
donné que je viens moi-même d’un pays qui compte
un grand nombre de migrants à l'étranger, et vos
débats seront tout à fait d'actualité vu que
l’Assemblée générale des Nations Unies a
décidé de tenir son tout premier Dialogue de haut
niveau (DHN) consacré aux migrations internationales et au
développement les 14 et 15 septembre de cette année
à New York. L’Organisation internationale pour les
migrations (OIM) participe activement aux travaux
préparatoires du DHN aux niveaux national, régional
et mondial. À la fin de ma présentation, je prendrai
un moment pour vous dire quelques mots à ce sujet et pour
vous présenter les idées-forces de l’OIM pour
le DHN.

La migration et le développement s'influencent
mutuellement de multiples façons, et il sera important pour
tous les pays (pays d’origine, pays de transit et pays de
destination) de travailler main dans la main à tous les
niveaux afin de tirer tous les avantages possibles de cette
interaction, d’en atténuer les risques et de
remédier à ses carences. Ces deux
phénomènes interagissent d’une façon
très large et extrêmement complexe, et l’on ne
comprend toujours pas très bien ni leurs causes profondes,
ni leurs incidences. Par exemple, les rapatriements de fonds
continuent à contribuer grandement au développement,
et pourraient être utilisés plus efficacement pour
réduire la pauvreté. En 2005, les pays en
développement ont officiellement enregistré une
rentrée de 167 milliards de dollars de rapatriements de
fonds, ce qui représente plus du double du montant de
l’aide au développement, toutes sources confondues.
Cependant, dans le même temps, de nombreux pays en
développement doivent faire face à la perte de
ressources humaines qualifiées et souffrent d’un
phénomène d’exode des cerveaux qui va en
s’aggravant. 

La migration est l’un des plus grands défis de
notre temps: en effet, la mobilité des gens n'a jamais
été aussi grande, grâce aux progrès
réalisés dans les domaines de la technologie et des
systèmes de transport. Partout dans le monde, de plus en
plus de gens vont être amenés à débattre
des facteurs déclenchants des migrations et de leurs
répercussions sur les sociétés. Vu
l’orientation et le caractère actuels de la
mondialisation, lors de l'étude de la question des
migrations internationales et du développement, il est
nécessaire de tenir compte aussi bien des aspects et
conséquences multidimensionnels du phénomène
migratoire que du besoin croissant de disposer
d’études plus spécialisées et
d’analyses globales concernant les contributions que les
migrations et les migrants eux-mêmes peuvent apporter au
développement tant des États d’origine que des
États d’accueil. Il faut tenter d’inverser les
effets négatifs de la migration et tirer le meilleur parti
de ses aspects positifs. 

Les diasporas sont de plus en plus souvent
considérées à la fois comme des agents de
développement dans les pays d’origine et de
changements positifs dans les sociétés
d’accueil. Elles jouent un rôle important dans le
renforcement de la coopération entre les
sociétés d’origine et les
sociétés d’accueil, et apportent
d'énormes contributions positives. À l’heure de
la mondialisation, les diasporas représentent un immense
potentiel inexploité pour l'aide au développement,
à laquelle elles sont plus que disposées à
participer. On dispose de peu d'études
détaillées sur la portée de la contribution,
potentielle et réelle, des diasporas au développement
et au changement social, mais elle pourrait se
révéler relativement importante. Quoi qu’il en
soit, les diasporas font des apports plus que considérables,
que l’on peut catégoriser comme suit:

  1. Contributions des migrants aux pays d’origine:
    • Capital financier: Les diasporas rapatrient
      d’énormes sommes (232 milliards de dollars dans le
      monde au total en 2005) dans leur pays d’origine, en plus d'y
      envoyer des capitaux privés pour l'investissement. Les flux
      financiers provenant des diasporas contribuent au bien-être
      de leur pays d’origine.


    • Capital humain: Le transfert des compétences acquises
      par les diasporas au travers de l’éducation, de la
      formation et de l’expérience professionnelle contribue
      au développement des capacités dans les pays
      d’origine, que ce soit par le biais des migrations de retour
      ou par celui des retours virtuels utilisant les techniques de
      communications (comme l’apprentissage par les voies
      électroniques).


    • ? Capital social: Il se présente avant tout sous la
      forme de réseaux de migrants, et peut élargir
      l'accès des pays d’origine aux marchés plus
      développés et aux flux d’investissement
      étranger direct, servant également par-là
      même les intérêts des pays d’accueil, en
      contribuant à lier leur économie à de nouveaux
      marchés.


  2. Contribution des migrants aux pays hôtes:



    Dans les pays hôtes, les diasporas font de nombreuses
    contributions aux sociétés dans lesquelles elles
    vivent. Ces apports, qui sont de plus en plus reconnus, contribuent
    à modifier la perception négative de la migration
    pour faire ressortir son aspect positif et humain. Les
    contributions des diasporas dans les pays hôtes se font dans
    différents domaines complémentaires:
    • Économique: Les migrants choisissent souvent de
      s’établir dans le pays hôte afin de
      s’assurer, ainsi qu’à leur famille, un meilleur
      niveau de vie, et les pays d'accueil sélectionnent souvent
      les migrants sur la base de leur capacité à
      contribuer à la croissance économique.


    • Social: Les migrants favorisent l’acceptation et
      l’harmonie et concourent à l’élaboration
      de sociétés plus saines. Ils servent de trait
      d’union entre des peuples différents et contribuent
      à ce que la tolérance et la cohésion sociale
      soient respectées au sein de communautés culturelles
      différentes.


    • Culturel: Les migrants amènent leur propre patrimoine
      culturel et leurs propres traditions. Ils contribuent à
      l’enrichissement mutuel entre des peuples de cultures
      différentes, et favorisent le respect de la diversité
      entre des communautés culturelles différentes.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de partager avec vous quelques exemples concrets
illustrant quelques-unes des contributions que les diasporas
africaines peuvent apporter au développement. Depuis 2001,
l’OIM a entrepris la mise en œuvre de son programme
Migrations pour le développement en Afrique (MIDA). Il
s’inspire de l’expérience de l’OIM en
matière de transfert des ressources humaines
qualifiées, et plus particulièrement de son Programme
de retour et de réintégration des nationaux africains
qualifiés (RQAN-III), qui s’est achevé en 1999.
De nombreuses régions du continent africain souffrent
actuellement d’une pénurie de ressources humaines
qualifiées. Des milliers de cadres africains, tels que des
médecins, des infirmières, des comptables, des
ingénieurs, des gestionnaires et des enseignants continuent
de quitter le continent chaque année. Il y a diverses
raisons à leur départ : certains cherchent à
progresser dans leur vie professionnelle, soit par des
études, soit par un travail mieux
rémunéré. D’autres ne cherchent
qu’à fuir le chaos dû à
l’insécurité ou à une situation
politique instable. L’exode des cerveaux qui en
résulte affaiblit les institutions africaines et entrave le
développement des capacités.

Qu’est-ce que le MIDA?

6. Le MIDA est un programme de renforcement des capacités
qui tend à mobiliser les capacités des diasporas
africaines et à les utiliser pour épauler le
développement en Afrique. Il vise à instaurer un
dialogue et un partenariat stratégiques avec les diasporas,
ainsi qu’entre les diasporas et les différentes
parties prenantes, notamment les gouvernements des pays hôtes
et ceux des pays d’origine, les institutions du secteur
privé, les sociétés civiles, les donateurs et
de nombreuses institutions financières et d'enseignement. Le
MIDA propose également une approche élargie, flexible
et innovatrice du transfert des compétences au travers de
différentes solutions, dont :

  • travail virtuel et apprentissage par les moyens
    électroniques 
  • visites en série 
  • retour définitif

Il comprend en outre des activités liées aux
rapatriements de fonds des migrants, reconnaissant ainsi la place
importante qu’ils occupent dans les rentrées de
devises de nombreux pays en développement et leurs
répercussions positives sur les économies
nationales.

Le MIDA dans la région des Grands
Lacs

L’OIM a débuté la mise en œuvre de son
premier programme MIDA en novembre 2001, en ciblant les trois pays
de la région des Grands Lacs : le Burundi, la
République démocratique du Congo et le Rwanda.

Grâce au programme MIDA dans la région des Grands
Lacs, l’OIM offre la possibilité à des cadres
établis en Belgique de retourner dans leur patrie pour y
offrir ponctuellement une assistance et un savoir-faire techniques
dans des domaines tels que l’agriculture, la banque,
l’ingénierie, l’économie,
l’écologie et les sciences sociales et de
l’éducation. Leurs affinités culturelles et
linguistiques avec la population locale facilitent le transfert des
capacités. Le programme joue un rôle essentiel dans
l'indispensable renforcement de la base de ressources humaines dans
ces pays. Il permet de rectifier les déséquilibres de
main-d’œuvre, tout en contribuant à inverser
l’exode des cerveaux dans le long terme.

Le MIDA en Italie

En Italie, le MIDA est un projet organisé par l’OIM
avec le soutien du Ministère des affaires
étrangères italien. Son principal objectif est
d’évaluer l’intérêt et les
possibilités des immigrants d’Afrique subsaharienne en
Italie disposés à contribuer au développement
social et économique de leur patrie.

Le programme vise également à soutenir la
réalisation de projets de développement
autonomes.

Le rôle des rapatriements de fonds dans le MIDA

En Afrique, les rapatriements de fonds effectués par les
migrants constituent aujourd'hui une source très importante
de devises. À condition d'être efficacement
utilisés, les rapatriements de fonds représentent
également le lien le plus direct entre la migration et le
développement. En 2005, les rentrées de fonds des
pays en développement provenant des rapatriements
effectués par les migrants ont atteint la somme de 167
milliards de dollars, ce qui dépasse à la fois l'aide
publique au développement et le flux de capitaux
privés sous forme de prêts et fonds propres. On estime
qu'au niveau mondial, la valeur des rapatriements de fonds qui
s'effectuent par les voies informelles est trois fois plus
élevée que celle des rapatriements de fonds
s'effectuant par les voies officielles. Au niveau des
ménages, on considère généralement que
les rapatriements de fonds contribuent à réduire la
pauvreté, et les Documents de stratégie pour la
réduction de la pauvreté (DSRP) comme les Objectifs
du Millénaire pour le développement (OMD) devraient
pleinement exploiter ce potentiel.

L'une des raisons importantes qui poussent les migrants à
s'exiler pour aller travailler à l'étranger est la
volonté de subvenir aux besoins de leur famille
restée au pays. Par conséquent, ils sont
déterminés à envoyer une partie, voire la
majeure partie de leurs gains à la famille, même sans
y être spécialement incités. Tout en
reconnaissant que les rapatriements de fonds effectués par
les migrants sont avant tout la propriété des
familles et des individus, le MIDA encourage l'utilisation efficace
et volontaire de ces rapatriements de fonds pour le
développement des pays d'origine. À cet effet, il
recourt à des initiatives favorisant les méthodes
rentables et fiables de rapatriement et favorise la mise en commun
des fonds rapatriés dans des réserves de capitaux
destinés au développement et à
l'investissement.

Mesdames et Messieurs,

L’OIM a été invitée par l’ONU
à contribuer aux travaux préparatoires du DHN, et
nous nous sommes associés à des initiatives avec des
partenaires de l’intérieur comme de
l’extérieur du système des Nations Unies afin
de favoriser une approche plus cohérente des politiques
migratoires et de susciter une perception mieux
équilibrée du phénomène migratoire et
des migrants.

Il est important de faire remarquer ici que les
représentants des organisations non gouvernementales (ONG)
qui bénéficient du statut consultatif au Conseil
économique et social, les organisations de la
société civile et le secteur privé peuvent
également participer aux tables rondes du Dialogue de haut
niveau. Bien qu’il appartienne au Président de
l’Assemblée générale d'en décider
en consultation avec les États membres, je voudrais
néanmoins inviter les ONG à profiter pleinement des
discussions du DHN, à apporter leur pierre à
l’édifice et à enrichir le débat sur la
migration et le développement en partageant avec
d’autres leurs vues et leurs expériences propres. Nous
avons beaucoup à apprendre, surtout des organisations de
diasporas. Cela dit, permettez-moi de vous présenter les
idées-forces avancées par l’OIM en vue du
DHN:

  1. Les migrations doivent être mieux intégrées
    aux politiques et à la planification en matière de
    développement. Les migrations et leurs répercussions
    devraient être incorporées dans la planification en
    matière de développement. Le DHN devrait demander
    à ce que les migrations deviennent un élément
    obligatoire des DSRP et soient inclues dans le débat sur les
    OMD.


  2. Les pays ont besoin de politiques migratoires ainsi que des
    capacités internes pour les développer. Le DHN
    devrait déboucher sur la reconnaissance et l'acceptation du
    caractère multidimensionnel de la migration, et recommander
    la création de groupes de travail interministériels
    comme une « bonne pratique ». Des initiatives de
    renforcement des capacités devraient être
    lancées lorsque cela est justifié.


  3. Le monde des affaires doit être intégré au
    débat sur la migration. Le DHN devrait recommander
    explicitement un véritable partenariat entre les
    gouvernements, les organisations intergouvernementales, le secteur
    privé et la société civile.