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Derrière les chiffres

Posté le mar., déc.-17-2013

Déterminer le nombre de migrants décédés dans les régions frontalières est un gros défi et leur nombre exact reste inconnu. La grande majorité des gouvernements ne publient pas leur nombre de morts et cette tâche est laissée à la société civile et aux médias. Plusieurs organisations non-gouvernementales (ONG) existent pour comptabiliser les décès dans les régions concernées par les flux de migration irrégulière et les passages dangereux aux frontières comme c’est le cas à la frontière sud de l’Union européenne, à la frontière entre le Pacifique Sud et l’Australie et dans la région frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique. L’OIM, le HCR, le Conseil danois pour les réfugiés et d’autres organisations comme Refugees International, entre autres, font également état d’un grand nombre de décès dans certaines régions comme le Golfe d’Aden et la Mer rouge, l’Océan indien et les Caraïbes. Bien que le nombre de décès associés à la « migration du désespoir » ne soit pas réellement connu, des estimations sont possibles. Par exemple, on estime à 20 000 le nombre de personnes qui ont perdu la vie ces vingt dernières années en tentant d’atteindre l’Union européenne par la frontière sud. Cependant, même dans les zones relativement bien documentées, un certain nombre de problèmes obscurs demeure : les migrants dont les corps n’ont jamais été trouvés ou qui s’échouent sur la côte africaine par exemple, et ceux qui ne sont pas enregistrés. Par ailleurs, la définition de ce que constitue un décès lié à la migration est floue et la manière dont sont comptabilisés les décès de migrants peut être influencée par les motivations politiques de ceux qui enregistrent ces données.

Données manquantes

Dans de nombreuses régions du monde, les migrants sont confrontés à de grands dangers lorsqu’ils voyagent par la route, par la mer ou par les airs en tentant d’atteindre leurs destinations. Pour bon nombre de ces régions, enregistrer les décès à l’échelle mondiale est une tâche redoutée et une opération qui ne peut prendre en compte l’ampleur totale de la situation. Les régions pour lesquelles les données font défaut sont l’Afrique centrale, l’Amérique centrale et l’arrière-pays du Sud-est asiatique, pour n’en nommer que quelques-unes. Certaines estimations suggèrent notamment que près de 10 000 migrants sont morts en Afrique ces dix dernières années. Ces données sont invérifiables et ne sont pas intégrées dans les chiffres présentés ci-dessous. Une autre étude réalisée par l’OIM sur les migrants africains en Afrique du Sud a révélé que 10% des personnes interrogées voyageant depuis la Somalie avaient signalé des décès de membres de leur groupe. Etant donné l’ampleur de ces décès non enregistrés, les chiffres présentés dans cette étude ne donne qu’une estimation minimum du nombre de décès enregistrés dans des régions frontalières relativement bien documentées. L’amélioration de l’enregistrement des décès de migrants dans le monde entier nous permet d’attirer davantage l’attention sur la tragédie qui est en train de se produire.

Voici quelques explications sur les différentes régions frontalières pour lesquelles des données sont disponibles

Océan Pacifique Sud

Les données sont tirées de la base de données australienne de l’Université de Monash, qui a commencé à enregistrer les décès liés à la migration en Australie en 2011. Pour la période allant du 1er janvier 2000 jusqu’à aujourd’hui, la base de données contient actuellement un fichier de 1 487 décès. Cette liste est dressée grâce à la recherche des médias et à la mise en réseaux avec des ONG et des avocats, et ne prétend pas comptabiliser tous les décès. Les décès qui ont lieu au-delà des eaux australiennes, bien qu’elles fassent l’objet de patrouilles par les bateaux de la marine et des garde-côtes australiens, ne sont très probablement pas comptabilisés.  

 

Frontière sud de l’Union européenne

Les données sont tirées de Fortress Europe, un projet dirigé par Gabriele Del Grande, qui enregistre tous les décès des migrants ayant tenté d’entrer en Europe jusqu’au 12 octobre 2013. La liste est dressée grâce à un ensemble d’informations communiquées par les médias. La principale organisation qui enregistre les décès de migrants en lien avec le contrôle aux frontières en Europe est UNITED for Intercultural Action. Leur « liste de décès », qui comptabilise les décès liés au contrôle aux frontières, atteint le nombre de 17 306 morts entre le 1er janvier 1993 et novembre 2012. Au moment de l’étude, cette liste ne comprenait pas les données pour 2013.

Frontière Etats-Unis/Mexique

Les migrants décédés en tentant de franchir la frontière des Etats-Unis sont enregistrés par la United States Border Patrol depuis 1998. Tiré d’un rapport de la Fondation nationale pour la politique américaine, le nombre de décès de migrants comptabilisés par la US Border patrol en 2012 s’élevait à 477. Plusieurs ONG enregistrent également le nombre de morts dans les régions frontalières. Dans le cadre de la présente recherche, les données ont été communiquées par le médecin-légiste en chef du comté de Pima, en Arizona, l’une des régions les plus touchées par le transit de migrants irréguliers qui entrent aux Etats-Unis. Ces données sont recueillies dans l’Arizona OpenGIS Initiative for Deceased Migrants récemment créée, résultant d’un partenariat entre le Bureau du médecin-légiste du Comté de Pima et Human Borders Inc., une organisation à but non lucratif. Pour cette région seulement, 146 corps ont été trouvés jusqu’à mi-septembre 2013.

Etant donné qu’aucun chiffre n’est disponible pour 2013, le chiffre publié a été calculé en utilisant les données du comté de Pima et de la US Border patrol, dans l’hypothèse où le nombre de migrants décédés dans le comté de Pima en 2012 s’est maintenu en 2013, portant le nombre de victimes à 444. Ce chiffre n’est donc qu’approximatif.

Golfe du Bengale

Les chiffres sur les décès de migrants sont cités par le HCR pour l’année 2012 et tirées de Refugees International pour les données allant d’octobre 2012 à juillet 2013 (ce chiffre est publié dans la récente étude de 2013). Les données montrent une hausse considérable par rapport à 2011, année durant laquelle le nombre de décès s’élevait à 140.

Afrique du Nord

Les données sur les décès en Afrique du Nord ont été compilées par le biais d’une recherche des médias. Les décès de migrants dans cette région sont certainement plus élevés que le nombre enregistré ici. Le projet Fortress Europe fait état de 1 703 migrants décédés en traversant le Sahara pour atteindre la côte depuis 1996.

Golfe d’Aden, Mer rouge et corne de l’Afrique

Les données sur les décès de migrants qui tentent de traverser le Golfe d’Aden et la Mer rouge pour atteindre le Yémen proviennent du HCR. Les statistiques du HCR montrent que le nombre de décès pendant le périple entre la corne de l’Afrique et le Yémen est passé de 1 056 en 2008 à 529 en 2009 et 19 en 2010. Dans la première moitié de cette année, seuls 5 décès ont été enregistrés. Les chiffres enregistrés liés à la noyade ou à la disparition en mer sont cependant très certainement sous-estimés. Même avant le voyage, les migrants qui traversent par voie terrestre pour atteindre la côte sont aussi exposés à d’importants risques. Dans une récente étude publiée par le Conseil danois pour les réfugiés dans lequel des migrants éthiopiens ont été interrogés, certains ont répondu que près de la moitié de ceux qui démarrent un périple trouvent la mort soit due à leur exposition aux intempéries, soit par asphyxie pendant le transit. Cette proportion est toutefois impossible à vérifier.

Mer des Caraïbes

Les données sur les décès dans la Mer des Caraïbes sont citées par le HCR pour l’année 2013. Le chiffre de 2012 est basé sur une étude des médias concernant les incidents qui ont eu lieu en 2012. Il n’inclut pas tous les décès comptabilisés en 2013 mais peut être considéré comme un chiffre approximatif et un nombre minimum.

Pour plus d’informations, veuillez contacter Tbrian@iom.int, Tel: +41.22.717 95 26

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